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KLOSAP – Collectif AENC

Erromango

À Thierry,

Enfant

Pierre Benoit

Me conduisit à Erromango

Au creux des mots

– J’irai sur l’île

Ai-je dit

Tumoro

Il y eut

Efate

Tanna, Santo, Ambrym, Pentecôte,

Ureparapara

Jamais Erromango

Il y eut

Le Yasur et sa bouche ardente

Le blue hole et son lamantin

Les danses rituelles

Le cochon estourbi à la masse

Le son profond des tambours

Le tuluk qui suivit
Le saut des hommes

Bras croisés dans le vide

Cette hutte aux perruches

Où je rentrais un jour

Invitée au dring ti

Ce soutien-gorge convoité

Que j’offris

En échange de ce bonheur-là

Il y eut

Manuro

Papayes vertes au piment

Nos pieds dans le sable blanc

Plus loin

Sous les étoiles

Nos baignades nues

Dans les trous d’eau

Ourlés d’écume

Ma vie a toujours sur sa peau

Le parfum du nandingori

Elle suit le chemin

de coquillages

Qui la rapproche d’Erromango

Le temps s’étire

Aller toujours plus près

Klosap

Tout vivre

Janvier 2015

Ma promenade continue

Inlassable

Je suis à Port-Vila

Si proche d’Erromango

Mes yeux d’aborigène

S’écarquillent

Pour voir au-delà

 

Mi drim

Être là-bas

Être ici

Malgré moi

Malgré

Les routes cahoteuses

Le tourisme de masse

Dégueulant des bateaux

Les plages et les îles condamnées

Vendues à bail

En dollar en yuan

L’argent sale achète

Ce qui ne doit pas être vendu

Enrichit un temps

Celui qui ne sait pas

Qu’il possède un trésor

Y rester

Malgré

Port-Vila qui s’étiole

S’écaille

Gémit ou braille

S’appauvrit

S’immobilise

S’encanaille

Me réfugier

au Musée

Poudré d’ennui

Décrépi

Une femme et un homme assis

Surveillent d’un œil

Les tapas fanés qui sommeillent

En plein soleil

Sur l’herbe mal tondue

Immenses voiles inertes

Aux dessins d’ocre pâle

Qu’il faut sauver des termites

Et de la moisissure

I hothot

Janvier torride et moite

Des jeunes déambulent

L’oisiveté est gratuite

Les maisons se grillagent

Comme autant de cages

 oiseaux

Le marché vend ses papayes 10 vatus

30 vatus pour un ananas

Le panier d’ignames

Ne paye pas la sueur

De l’agriculteur

Sur les nattes

Les femmes se détournent

Fatiguées des flashs

Et des sourires forcés

Un bébé pleure sous la table

Un autre rit

Seul Pilioko

L’homme jaune

Sait peindre leurs grands yeux

Mi stap long place ia

La ville est miniature

La mer est tout autour

Bleue et transparente à l’or d’Efira

Noire dans la baie profonde

Des orages grondent

Le ciel

Coupé en deux

S’interroge

L’averse drue

Inonde les rues

Moment de fraîcheur

Inespéré

Si bref

Malapoa

En face

Dans la rade

Le lycée où travaille Joseph

Il vient des îles Shepherd

Pour dessiner sa vie ici

Il me parle d’Erromango

Qu’il connaît

Répète

Ce que j’aime entendre

Le lieu et ses légendes

Il me rapproche

Et me reproche

Erromango

Inquiet je crois

Yu wantem wanem ?

Finit-il par me dire

Je lui réponds

Noting

Il hoche la tête

Résigné

Il connait les tabous

Quelle serait ma vie

Amputée du rêve

D’Erromango

Comment m’endormirais-je

Sans ce que je suppose

Des sortilèges

D’Erromango

Il n’est pas l’heure

Je ne suis pas prête

Un jour

Mi go long we

De crique en crique

Jusqu’au cap Pilbarra

Poser mon pied nu

Sur le sable humide

Semé de cabochons

D’agate

D’hyacinthe

De sardonyx

Alors

J’entrerai

Dans l’utopie

Intense et rudimentaire de l’Île

Avec toi

Wetem yu

 

Claudine Jacques

KlosapOuvrage collectif de l’Association des Ecrivains de NC

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