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Un si long battement de cœur – Victoire 1857-1935 -Editions Noir au Blanc

VictoireRécemment publié aux Éditions Noir au Blanc, « Un si long battement de cœur – Victoire 1857-1935 » de Claudine Jacques est le premier tome d’une saga calédonienne qui mènera le lecteur par le bout des yeux sur une période de deux siècles. Un beau personnage de femme en lutte et une « Femen » avant la lettre. Et à la page…

couv def victoire

Au siècle de Voltaire et de d’Alembert, leur correspondance commune grouillait de surnoms par lesquels ils commençaient leurs missives. « Monsieur le multiforme » en était un fameux et l’on pourrait utiliser cet adjectif pour Claudine Jacques. En effet, au cours d’une œuvre conséquente et en constante évolution, l’écrivain passe avec bonheur d’un genre à l’autre : nouvelles, roman, théâtre, poésie, livres jeunesse. Activité à laquelle il faut ajouter, celle de découvreuse de talents sur tout le territoire, d’éditrice de ses découvertes et d’inlassable animatrice pour la lecture et l’écrit. On se dit, avec ce quotidien bien rempli, à quand une fiction s’inspirant d’une vie aussi riche culturellement ? Il y aurait de quoi en faire une saga, un genre qu’elle aborde elle-même de belle manière avec ce personnage de Victoire. Cette femme de papier, arrivant à «la Nouvelle » sur le même bateau que Louise Michel, est le fil rouge/rose/noir de ce premier tome. Un premier opus risquant de rendre impatients pour la suite les lectrices et lecteurs dont le cœur va battre longtemps à l’unisson de celui de l’héroïne.

Le triomphe de Victoire

Comment croquer une existence fertile en rebondissements en cent cinquante pages ? C’est la gageure que l’auteur relève avec brio avec un art consommé de l’ellipse d’un chapitre à l’autre. Chaque étape de la vie de Victoire est liée à un homme avec qui, conquise, subjuguée ou contrainte, elle partage un bout de route. Car Victoire, à l’instar d’Angélique – célèbre Marquise des Anges -, a un physique avantageux qui fait fantasmer tous les hommes de passage. Pas sage, elle allume chez eux un désir impérieux de possession. Victoire est la représentante du sentiment universel de l’amour qu’elle adapte à chaque homme rencontré, c’est un véritable courtier du cœur. Cette Angélique, sans angélisme, se livre à un corps à cœur souvent tragique car en filigrane se développe l’Histoire avec un grand H, voire avec une grande hache. La chronologie démarre avec le bagne, traverse les révoltes des Canaques, la colonisation, la lutte de certains Communards et se déroule dans cette brousse où la vie, la survie, réclament des compétences physiques et un feu sacré pour toujours avancer. Un très beau portrait de femme(s) et de mère « courage », l’héroïne étant multiple tout au long du roman. Pour ce triomphe de Victoire, la bien nommée, le style est résolument romancé et adapté à son sujet, sans négliger cruauté, crudité et humour noir. Dans un registre où Claudine Jacques excelle, chaque scène amoureuse dévoile une facette de ce personnage féminin hors norme. Au final, une lecture agréable, sensuelle, portant un regard engagé sur la condition féminine souvent malmenée dans ce pays et où elle ne progressera qu’avec des générations de Victoire. Dont acte !

Rolross

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