Nuelasin-41
Hier, j’ai reçu une maman dans mon bureau. Elle arrivait de Nouméa où elle avait exercé son métier de comptabilité dans une école du bourg. « Vous savez, je suis arrivée ici parce que mon fils voulait continuer sa scolarité en brousse. L’année dernière, il était à Oundjo. C’est Mme E. qui m’a conseillé de l’inscrire après à Tiéta. Romain m’a dit qu’il aime bien sa nouvelle école. » Le petit est chez nous au primaire. Il est interne. « M. le directeur, je ne sais pas comment faire mais je suis à la recherche d’un emploi. J’en ai déjà parlé à la directrice de votre institution. Elle m’a dit que je pourrai donner un coup de main au bureau de la FELP à Koné. » Je ne parlais pas. J’écoutais sa voix doucereuse. Mme Nat, mon adjointe l’écoutait aussi. Et la maman de poursuivre pour dire qu’elle avait accepté le choix de son petit. « J’ai démissionné et j’ai suivi mon fils. Je lui ai dit, peu importe. Maman te suivrai et chercherai du travail dans la région. » En ce moment, la maman vivote chez la famille. A la fin de notre entretien, elle partit. Elle a ramassé ses affaires qu’elle avait rangées sous le banc dans le hall. De la salle des profs où je suis rentré pour me préparer du café, je la voyais descendre les escaliers et s’éloigner à pied sur la route de la tribu de Tiéta. Elle croulait sous son sac, sûrement du linge. Je m’arrêtai net. Je la fixai s’en aller là-bas vers le grand bois noir à la destinée. Je me retins en remettant la tasse. L’envie de me revigorer a disparu. J’aurais dû lui proposer ce café. Mme Nat, n’était plus là. La parole que maman nous disait toujours me revint alors en force : « L’amour est au dessus de tout. » Cette parole devenue maternelle me revenait toujours surtout en ces temps d’exercice de mes fonctions. Je me tus. L’impuissance tue. Bonne lecture à vous. De Tiéta, En attendant Godot* (*) pièce de Samuel Beckett