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La commande

(…) Bruits des gardes qui, de nouveau, s’agitent derrière la porte. Il y a maintenant quatorze mois que Nobuyoshi s’en est allé. Son nom est rayé des listes d’honneur, ses poèmes sont enlevés des livres. Nul ne doit l’aimer ni même garder le souvenir de son amour. Le potier commence à retirer les bandes qui enserrent son corps de femme. Il continue à s’habiller de ses vêtements de femme, desquels il retire un mouchoir rouge. Il recouvre le bol du mouchoir.

Entrez donc ! Entrez. Mais entrez, vous dis-je ! Vous verrez enfin mon vrai visage, mon vrai corps plutôt. Vous allez être surpris. Je vois d’ici vos têtes : « Comment ?! Il est une femme, il était une femme, c’est impossible, c’est monstrueux ! »

Il va cogner à la porte et taper dessus avec ses pieds, mais rien ne bouge. Il s’essouffle.

Vous ne bougez pas. Vous êtes des chiens, des chiens de garde ! Les chiens de garde n’aboient jamais, ils mordent.

C’est monstrueux… une femme… au palais ! Une femme n’a pas le droit de souiller l’argile de ses mains, l’argile du Prince, Son argile. Je l’ai touché quand même. Et personne n’a jamais rien vu. Décidément, quand on est aveugle, on l’est en tout : politique, poterie, art et féminité.

Je me demande comment il les aime, ses femmes ? Dites-moi, vous, là, derrière la porte. Avant de les autoriser à monter sur sa couche, exige-t-il qu’elles se mettent au garde à vous devant lui, toutes nues, pour n’avoir aucun doute sur ce qu’il consomme ?

Je suis monstrueuse et vulgaire, hein ?! Mais je l’ai fait. Pas de me mettre nue devant lui, bande d’idiots – je suis certaine que c’est à ça que vous pensiez ! –, mais de souiller son argile.

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