Contacts et Fondus au noir

Auteur(e) : Roland ROSSERO

Pas sans les autres phototournage2LA LISTE affiche

PAS SANS LES AUTRES (2009) et LA LISTE (2011) – deux courts-métrages de Roland Rossero, adaptés de deux recueils de nouvelles CONTACTS et FONDUS AU NOIR.

Depuis le milieu des années 2000, l’écrivain-journaliste-réalisateur Roland Rossero prend le « Destin Commun » comme thème central de ses courts-métrages. Chacun de ses films est un nouveau malaxage scénaristique ethno-social sur la question de l’Accord de Nouméa et de ses applications. Et étant avant tout cinéphile, Roland Rossero prend sa passion pour les grands classiques du cinéma comme unité de valeurs pour raconter ses histoires, bien qu’avec LA LISTE (2011), puis précédemment avec PAS SANS LES AUTRES (2009), son propos devienne plus personnel. En tout cas, plus que pour ses films précédents, PAS SANS LES AUTRES et LA LISTE reprennent le principe narratif d’un cinéma populaire français des années 30-40 comme celui élaboré sous le Front Populaire par Jean Renoir ou Julien Duvivier,mais surtout celui du tandem Marcel Carné-Jacques Prévert du Réalisme Poétique des années 40. Et comme chez Carné et Prévert, Rossero développe ses intrigues à partir de plusieurs tranches de vies qui s’entrecroisent et s’intercalent dans un sens unique, le tout mâtiné d’une certaine forme de poésie décalée et planante.

Et LA LISTE n’échappe pas à cette règle, débutant avec plusieurs personnages éparpillés et une simple liste de courses trouvée devant une grande surface et se concluant dans l’enceinte d’une petite surface de case, mais cette fois-ci, avec une liste établie d’êtres humains. Je vous laisse deviner ce que cette « liste » pourrait bien avoir de « spéciale ». Et ceci après un long voyage en bus, dans lequel chacun des « élus », après avoir été interpellés par le son de la toutoute et guidés par une jeune femme océanienne aux airs mélancoliques, semblent tous heureux comme Ulysse à la fin de « L’Odyssée ».

Auteur de romans, de nouvelles, comme de récits, Roland Rossero tire son scénario d’une de ses propres nouvelles publiées dans le recueil « Fondus au noir ». On retient souvent de cet auteur les inlassables jeux de mots foisonnant dans ses chroniques artistiques ou dans ses premiers courts-métrages de la fin des années 90 jusqu’au milieu des années 2000, mais Roland Rossero a abordé à plusieurs reprises des thèmes fantastiques ou surnaturels dans ses nouvelles. LA LISTE n’est pas un de ses sujets les plus accessibles pour un fantasticophile lambda puisqu’il définit une trame politique sous-jacente. Ou plutôt, j’aurais envie de dire que pour qui ne suit pas les évolutions de la politique en Nouvelle-Calédonie, LA LISTE sera teintée d’une irréalité insaisissable, tandis que pour les autres, le film sera plutôt une métaphore. Et ceci, bien que la fin soit assez troublante et ressemblerait presque à une de ces histoires de malédictions auxquelles on accepte ou pas de croire, mais encore une fois, la réalité politique pourrait être assez proche de cette histoire de science-fiction. Et là où Roland Rossero débute son film à la manière de ceux réalisés sous le Front Populaire, certains détails du décors semblent laisser entendre que ses personnages vivent encore dans un rêve pilonné par les anciens vestiges d’un régime communiste qui s’est pourtant éteint depuis quelques décennies sur le vieux continent européen.

LA LISTE n’est malheureusement pas sur YouTube, mais c’est un de ces films à revoir plusieurs fois pour en saisir tous les éléments éparpillés comme dans un puzzle défait. En tout cas, pour ma part, je le considère comme le meilleur film de son réalisateur.

Trapard (Les échos d’Altaïr)