Extraits de la nouvelle de Frédéric Angleviel :

« Manifeste pour la paix »

Calédoniennes, Calédoniens,
Je vous ai compris,
Non à la chienlit,
Vive la grande France !

Camarades travailleurs,
Le grand jour est arrivé,
Les colons à la porte,
Vive le socialisme kanak !

Citoyennes, citoyens,
Nous sommes tous frères,
Signons un nouvel accord,
Vive le destin commun !

Gauloises, gaulois,
Nous combattrons,
La valise ou le cercueil,
Vive l’Occident !

Les slogans se mêlaient et s’entrecroisaient. Les minorités actives vociféraient et recherchaient l’affrontement. Les forces de l’ordre contenaient tant bien que mal les uns et les autres. La majorité silencieuse s’inquiétait des conflits qui s’intensifiaient et des avenirs incertains pour les générations à venir. Une grande marche pour la paix était prévue et les présidents de la croix-rouge laïque, de la croix bleue protestante et du secours catholique s’étaient réunis. L’un était Calédonien, médecin, pionnier métro par son père et héritier caldoche par sa mère. Le second était Kanak, pasteur, Loyaltien par son père et Grande terre par sa mère. Le dernier était un pur métis, mécanicien, Breton-Kanak-Javanais-Wallis-Tonkinois avec une goutte de sang antillais. Ils se reconnaissaient dans le Nouveau Testament et la devise « Liberté, Egalité, Fraternité ». Ils appréciaient la lettre d’Albert Camus à un militant algérien. Ils se retrouvaient dans le préambule de l’accord de Nouméa.
Ils avaient la lourde tache de rédiger le manifeste qui serait déposé le jour même au Congrès du Territoire, mais aussi au Haut-commissariat de la République française et au Sénat coutumier. Ce texte métis mariant repentance et contrat social serait lu préalablement devant la foule immense qui était attendue …..

… voici le message de paix que nous avons rédigé dans l’espoir d’un avenir harmonieux ».

Manifeste pour la paix

3000 ans, les premiers arrivants
300 ans, l’irruption occidentale
30 ans, un premier accord mutuel
Aujourd’hui, un pays à construire

Une société arc-en-ciel à unir
Une Calédonie ensemble à faire vivre
Un Rassemblement de tous les nousZautes
Une libération commune par l’émancipation

Le peuple Kanak
Souligne les ombres de la colonisation
Les autres communautés
Mettent en avant les lumières distillées

Un référendum pour réfléchir
Des élections provinciales pour soupeser
L’Etat pour dynamiser
Une bipolarité politique pour négocier

Oui, nous voulons la paix
Non, nous ne voulons pas la délinquance politisée
Oui, nous sommes pour des réformes-repentances
Non, nous ne sommes pas pour une Révolution

Il faut que les aînés soient écoutés
Il faut que les communautés soient en paix
Il faut réformer sans détruire
Il faut adapter sans frilosité

Nous sommes dans la France
Il faut éviter un départ inconsidéré
Nous voulons des évolutions institutionnelles
Il faut éviter de briser le Bwenando

Nous devons ensemble
Traverser le chas d’une aiguille
Nous devons faire vivre
la devise révolutionnaire

Liberté
Hier, certains étaient sujets
Aujourd’hui, tous citoyens
Nous devons la préserver

Egalité
Hier, elle était inexistante
Aujourd’hui, tous calédoniens
Nous devons la faire progresser

Fraternité,
Hier, la discrimination coloniale
Aujourd’hui, communauté de destin
Et demain destin commun.

Nous manifestons pour la paix
Car sans elle point de vivre ensemble
Nous nous battrons pour la paix
Car elle est le plus petit dénominateur commun

A partir de la paix
Toutes les harmonies sont possibles
Nous devons apprendre à vivre ensemble
Pour un avenir métis.