Les origines de l’entreprise missionnaire protestante

Auteur(e) : Paul FIZIN

La première rencontre à lieu un matin de 1797 dans la baie de Matavai, sur l’île de Tahiti ou débarquent les premiers missionnaires Anglais de la London Missionary Society (Lms). Ils sont quelques parts l’aboutissement d’un long processus européen, qui débuta à l’aube du xviie siècle. Au cours de ce siècle l’Europe et plus particulièrement l’Angleterre connaît un phénomène religieux nouveau dénommé : « le réveil ». Baubérot nous donne la définition suivante :

« Le terme de Réveil provient de l’expression anglaise revival of religion, employé à partir du xviiie siècle. Les revivalistes cherchent à atteindre deux milieux différents : les chrétiens dont l’intensité de la vie spirituelle s’est affaiblie et les milieux plus ou moins déchristianisés, qui échappent à l’influence des organisations ecclésiastiques. […] Le réveil ne cherche pas à se séparer des Églises, il veut leur donner un souffle nouveau Jean Baubérot, Histoire du protestantisme, Paris, Presse…. »

Dès ses débuts les mouvements du réveil insistent sur la nécessité de la conversion. Les prêches sont marqués par l’activisme c’est­à­dire l’action supposée de l’Esprit­Saint. Tout au long du xviie siècle, les Églises et les collèges théologiques vont peu à peu gagner en influence et en respectabilité dans la société anglaise. En 1788, Wesley et Whitefield dans leurs prêches encouragent l’entreprise missionnaire hors de l’Angleterre. La même année Wiliam Carey Wiliam Carey (17611834) se convertit à l’âge de 18 ans et… écrit An enquiry into the obligation of Christians, to use means for the conversion of the Heathen qui est publié en 1792. L’idée d’une entreprise missionnaire protestante extra­européenne constitue un véritable défi, car il n’existe aucun précédent historique Sauf l’expérience missionnaire de John Wesley en Géorgie en….

Le début du second réveil s’amorce entre 1790 et 1840. Il est indissociable de la colonisation britannique, que l’entreprise missionnaire accompagne ou précède parfois. En Angleterre, tout comme de l’autre côté de l’Atlantique, en Nouvelle­Angleterre, les écrits de l’Américain Jonathan Edwards Philosophe et théologien, calviniste et disciple de l’influent… contribuent à façonner une génération de nouveaux penseurs. La plupart d’entre eux, comme Edwards lui­même, avaient été touchés par le Réveil évangélique. La description du devoir du chrétien comme une « bienveillance désintéressée » jouait son rôle en formant une école de calvinistes modérés, des gens qui combinaient la très forte conscience d’un appel divin avec la curiosité scientifique. Les fondateurs des Sociétés missionnaires telle que la Société des Missions de Londres, et le Conseil américain des commissaires pour les missions étrangèresLes termes anglais exacts sont pour les deux Sociétés : London… partagent la conviction que le monde doit être évangélisé rapidement ; non pas parce qu’ils s’attendent à une conversion universelle, mais parce qu’ils sont convaincus que leur devoir est de répandre le message évangélique. Cette action est le prélude nécessaire à la venue finale du Christ, la parousieLa parousie (en grec : parousia) est un terme de théologie…, et à la fin des temps. Ce qu’ils ressentent n’est pas exactement une fièvre millénariste, bien que leur sobriété et leur sérieux habituels soient teintés d’une intense excitation ; ils vivent et prennent leurs décisions missionnaires à une époque où la foi paisible dans le triomphe de la raison avait été ébranlée en Europe par de grandes secousses politiques et sociales dont les révolutions américaine et française, suivies des guerres de Napoléon en sont l’émanation.

Cette brève présentation des missionnaires protestants, et du mouvement spirituel dont ils sont issus, nous permet à présent de nous intéresser aux teachers. En quoi sont­ils une nouvelle élite océanienne, et quels sont les facteurs qui permirent leurs émergences ?

Nous avons fait le choix d’orienter notre article davantage sur les contextes et les conditions qui permirent l’apparition des missionnaires océaniens. Dans un premier temps nous nous intéresserons à la conversion en elle­même, qui constitue le point de départ des mutations individuelles et sociétales. Puis dans un second temps nous développerons l’idée centrale prônée d’abord par John Williams puis reprise par les missions protestantes : celle d’une christianisation des insulaires du Pacifique par d’autres insulaires. C’est par la mise en œuvre effective de cette idéologie que les Océaniens entrent de plein pied dans leurs rôles de relais du christianisme protestant. Cette thématique est abordée dans le troisième point de notre article ou nous nous intéresserons à la « fabrique » des missionnaires océaniens. Les insulaires sont formées dans plusieurs établissements Takamoa (Rarotonga), Malua (Samoa), Kohimarama­Norfolk (Nouvelle­Zélande). Puis dans un second temps dans des écoles localisées en Mélanésie telle que Béthanie (Lifou), ou à Anatom (Vanuatu)…

Source https://www.cairn.info/revue-histoire-monde-et-cultures-religieuses1-2011-4-page-139.htm?contenu=article