JEANNE RABOUTET

Jeanne Raboutet

BIOGRAPHIE

Jeanne Raboutet est née à Clichy le 30 avril 1973. À 24 ans, elle s’installe en Nouvelle-Calédonie avec son diplôme d’infirmière en poche.

Elle se forme à la sophrologie et à la rigologie pour accompagner ses patients de manière plus joyeuse.

Victime d’un viol en 2017 alors qu’elle fait une randonnée sur la côte est de la Nouvelle-Calédonie en hommage à ses patients qu’elle a accompagnés en soins palliatifs, Jeanne Raboutet entreprend un long chemin de reconstruction. L’écriture devient son chemin de délivrance. Elle décide de briser le silence et les tabous pour renaître et libérer des paroles d’humanité.

Auteure de deux romans  :

Le soleil finit toujours par nous lever, dans lequel elle nous emmène sur son chemin noir qui s’illumine au fil des jours et des rencontres .

Disponible sur Amazon.fr ou dans les librairies de Nouméa

Pardon Madame, retrace une guérison Hors normes où danse la vie, une guérison qui laisse espérer d’autres possibles plus beaux.

Elle nous tisse une toile aux multiples saveurs de sororité et d’humanité.

Disponible sur Amazon.fr

Longtemps, Jeanne s’est cachée derrière un pseudonyme pour dire l’innommable. Aujourd’hui, elle a réussi à se reconstruire, à reprendre son travail et s’investit dans ses paysanneries pour sensibiliser sur l’impact de la violence et accompagner les femmes victimes de violence. Elle écrit actuellement un nouvel opus intitulé Petit guide de survie d’une femme violée pour partager avec les victimes des outils de reconstruction qui lui ont été bénéfiques.

Jeanne est co-auteure et fixeuse du film documentaire Jeanne, de l’ombre à la lumière diffusé sur France TV en 2022

Bibliographie

La Chronique de Mafalda du 25 novembre 2020

Journée des Grenelles contre les violences faites aux hommes.

Enfin une journée de repos, je décide de penser à ma bulle de bien être, c’est un jour pas comme les autres, marqué au fer rouge de la violence, celui des Grenelles.

Après une nuit douce, je me lève, m’assois sur mon transat, écoute le chant matinal des oiseaux, entrecoupé de couinements de Rimbaud, mon chien, qui cherche indéniablement mon attention. Je sirote mon thé et pense à ce que je pourrais m’offrir pour cette journée si particulière, qui me rappelle à ma condition de femme violentée,sans le vouloir et comme toutes, je fais partie des  « une sur quatre »*( * le nombre de femmes violentées en Nouvelle Calédonie).

Je regarde mon jardin et je décide de prendre soin de lui, il fait partie de ma bulle de bien être. J’enfourne la barre à mine, le râteau, le sécateur et la pelle dans la brouette, et je creuse,  je coupe, je ratisse, en une heure mon jardin avait une autre gueule. Il était si beau que ma terrasse me paraissait fade.

 Alors je me suis lancée dans un changement radical de déco. J’ai embauché mon fils et son pote à déplacer les meubles, ils le faisaient sans rechigner.

Comme une impression de fin de cycle où tu dois te réinventer, après la mue tu dois passer à l’action. Alors j’actionne mon bonheur, je remplis ma bulle de bien être.

A 12 h, palettes découpées, nouveau salon à base d’objets divers récupérés par ci, par là, j’accepte l’invitation de Daoud et Syvan à pique niquer à la mer.

Une heure de prélassement dans une eau bouillonnante, accompagnée d’une salade tahitienne, du sourire lumineux de Syvan et des accords de Daoud à la guitare. Ma bulle se gonfle tout doucement.

A 14h, je retrouve mon transat, qui a été agrémenté durant la matinée d’un petit parasol à fleur et un tapis gazon (à défaut d’un vrai). J’ouvre ma boîte mail, la maison d’édition m’a envoyé le final, presque prêt à être édité. Je jubile, je suis fière de moi, la bulle est prête à exploser.

Je feuillette Facebook, pense à mes amis, je leur accorde peu d’attention en ce moment, mais ils ne m’en veulent pas.

A 18h, j’arrive au château Hagen,ma bulle de bien être s’égare un peu.  Les décorations de Noël illuminent quelques gens qui s’attroupent autour des nattes installées face à la scène. Beaucoup de femmes, peu d’hommes, d’ethnies différentes. Ça ne rassemble pas les foules, c’est un sujet encore tabou.

Je m’assois sur la natte, les présentations commencent, je sors mon carnet d’écriture, j’ai besoin de noter le ressenti des intervenants, comme un porte-parole  ou un porte-maux/ ou mots, à vous de choisir.

Le premier, un prof de sport d’une soixantaine d’années, dénonce les violences faites aux femmes et aux enfants, avec son slogan « les femmes et les enfants d’abord ». Il n’est pas resté indifférent face à la violence faite à ses élèves. De plus est, c’est un homme et mon cœur est profondément touché d’entendre un homme parler d’elles. C’est la plus grande preuve d’humilité pour un homme d’oser briser le silence pour nous. Merci Philippe Coste.

Puis il y a eu la conteuse, enjolivée d’une magnifique robe aux couleurs chantantes,  qui nous raconte l’histoire d’une femme maltraitée et jusqu’où elle va aller pour éviter la malveillance de son mari.

Et Arrive sur scène, cette grande dame, dans les deux sens du terme, un paréo empaqueté et une fleur dans les mains en signe de coutume. Elle dépose son offrande face à nous sur la natte, s’assoit en tailleur et prend la parole. Une voix tremblante et affirmée à la fois, elle nous conte son enfance et une scène coutumière où la femme doit en gros la fermer. Elle parle en son nom, elle parle en leurs noms,en en nommant quelques-unes. Elle marque une pause, reprend son souffle pendant quelques secondes le temps des applaudissements. Elle retient ses larmes, gonfle son thorax et reprend son combat : Celui de crier haut et fort pour que ça cesse et que la coutume évolue, change et porte un regard bienveillant sur ces femmes.

Elle finit par faire sa coutume, celle de l’offrir au semeur d’amour, de respect,et de dignité. Merci ma sœur, ce soir tu m’as touché en plein cœur.

S’ensuit une magnifique prestation de l’Adie, qui aide les femmes à mettre en valeur leur pouvoir créatif.

Puis c’est le tour de Lola, la juriste, qui théâtralement explique l’ordonnance de jugement.

Deux jeunes filles entrent en scène, slamant, mélange des genres, des maux entremêlés dans des mots. On sent qu’elles font partie des « une sur quatre », cette force dans les mots m’a laissée longtemps sans voix. Respect mes sœurs.

La soirée se termine sur une ola et une enfilade d’applaudissements et de regards compatissants.

Je rentre sur le Mont dore, je mets de la musique italienne à fond dans la voiture et je me dis que ma bulle de bien être a pris une sacré claque ce soir.

En rentrant, j’ai besoin de danser pour évacuer cette colère qui a resurgit, je branche mon casque bluetooth pour ne pas énerver mon voisin et choisis Hair Let the Sunshine et telle une putain de guérrière, je déambule dans mon salon, levant le poing  pour que toute cette violence cesse et que les consciences s’éveillent enfin. Même si je doute d’être encore là pour voir un jour un monde, sans religion, sans politique, sans arme et donc sans violence, je me l’imagine et je peux le vivre par procuration en écrivant.

Alors mes enfants, ma famille, mes amis, prenez-vous dix minutes, mettez votre casque, choisissez la musique qui reflète votre état émotionnel ici et maintenant, isolez vous, c’est un moment pour vous, pour simplement accueillir cet instant où vous vous faites du bien peu importe si vous pleurez, riez ou criez.Vous êtes simplement en communion .

Merveilleuse journée

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