,

UN CAMP AU BAGNE DE « LA NOUVELLE » EN 1878

A bord du voilier « Var », un ancien vaisseau de guerre devenu véritable prison flottante, les condamnés au bagne et les déportés de la Commune sont envoyés vers un pays inconnu, à 20 000 kilomètres de la France. Dans ce pays vivent des tribus Canaques qui ne se doutent pas que leur destinée va être unie à celle de ces prisonniers français…
Editions Dualpha, 2008 Paris


UN CAMP AU BAGNE DE « LA NOUVELLE » EN 1878 >Extrait de « Chapeaux de Paille » pages 305-306
Ne pouvant croire ce que ses yeux voyaient, le condamné Gaétan Lechantier fraîchement arrivé au Camp Brun, se demandait s’il ne vivait pas un horrible cauchemar. En effet, près de la « Tranchée du Supplice », d’autres forçats poussaient de lourds wagonnets surchargés de galets, sous la surveillance de policiers indigènes implacables qui les épiaient constamment de leurs regards sadiques. Les contremaîtres eux-mêmes se plaisaient à manier le fouet, dès lors que les surveillants militaires avaient le dos tourné et qu’un transporté* du bagne venait d’interrompre momentanément son travail pour une raison ou pour une autre. Le regard du déporté* Lechantier s’immobilisa plus loin sur un spectacle hallucinant. Serrant chacun d’une main ferme un sac rempli de pierres concassées que d’autres condamnés venaient de charger sur leurs épaules, des forçats aveugles avançaient lentement en file indienne en se guidant à l’aide d’une rambarde installée à hauteur de la main et qui leur permettait de se diriger à tâtons jusqu’au point de déchargement. Près d’eux avançaient également des forçats manchots, attelés à des tombereaux par des cordes et qui transportaient eux aussi les mêmes matériaux. En amont de ce chantier de cauchemar, étaient également réunis tous les estropiés qui ne pouvaient plus se déplacer. Positionnés autour des gros tas de pierre rassemblés à leur intention, ils étaient contraints de les briser à l’aide de massettes à manche court. Les vêtements usés et souillés de ces bagnards n’avaient plus rien à voir avec la couleur blanche, symbole de rédemption. Ils avaient pris par contre la couleur sale de la pourriture. A l’image de ce camp purgatoire, considéré désormais par tous comme le « Camp de l’abattoir » ou pire le « Camp de la mort lente »…
* Transporté : condamné au bagne de droit commun
* Déporté : déporté de la Commune

0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire